Tu lèves une fois de plus les yeux au ciel lorsque tu relis les messages de tes parents, tes deux papas à vrai dire. Tu ne t'en caches pas, après tout ce n'est pas parce-que tu as vécu avec deux hommes comme parents que tu n'es pas sain d'esprit. C'est pitoyable tout ce que l'on peut lire à ce sujet sur les réseaux sociaux ou encore entendre à la télévision. Tu soupires une nouvelle fois, traînant ta valise derrière toi. Tu rassures le plus trouillard de tes papas que tout ira bien. T'essayes de lui faire entendre raison, que la colocation est un nouveau style de vie de nos jours, que ce n'est pas une secte, ni un recoin de psychopathes. T'es pas sûr d'avoir été très convaincant mais tu préfères ignorer ses jérémiades par sms. Tu regardes aussi ton historique d'appel et tu constates que le harcèlement chez lui est naturel. Tu lèves les yeux de ton téléphone quelques secondes pour scanner les lieux, histoire de repérer l'un de tes immeubles. Tu ranges rapidement ton portable dans la poche arrière de ton jean et tu avances de façon énergique vers cet immeuble planqué derrière les autres, le numéro trois. Une fois à l'entrée, après avoir transpiré des masses, tu retires rapidement ta veste kaki. T'écarquilles des yeux quand tu vois le nombres de marches à gravir. T'as déjà la nausée, surtout que t'es pas un grand sportif dans l'âme. Tu déboutonnes légèrement les deux premiers boutons de ta chemise fleuris, tout en montant les escaliers. T'as l'impression de suer déjà comme un porc, tes poumons vont finir par lâcher alors que tu atteins le vingtième étage. Tu sais pas si tu aurais signé le bail en sachant qu'il n'y avait pas d'ascenseur. Enfoiré de proprio. Tu t'arrêtes quelques minutes pour pouvoir respirer, histoire de te donner quelques forces supplémentaires, t'es même prêt à invoquer le côté obscure de la force mais tes conneries te font bizarrement moins rire quand tes yeux observent les derniers étages. Tu comptes dans ta tête machinalement, ta valise derrière toi qui fait un boucan d'enfer. T'as envie de crier de joie lorsque le chiffre quarante deux s'affiche devant toi. Foutu proprio. Tu l'insultes dans ta tête sans relâche. Tu te retrouve un peu con à pester dans ton coin quand t’aperçois deux hommes près de la porte. Quelques mèches de cheveux sont collés sur ton front, tu ruisselles même, tu suffoques. T'as pas envie d'embaumer tes nouveaux colocataires, alors t'oses pas trop t'approcher d'eux. T'es un peu perdu, tu ne sais pas trop quoi dire alors t'essayes de briser le silence, avec tes fameux mots à la con. "Salut, j'suis nouveau, j'dois être votre nouveau colocataire. J'suis Joe." T'as l'air vraiment d'un con avec tes cheveux à la ramasse, ta chemise rouge pétante fleuries de marguerite, ton jean troué, ta valise à moitié défoncée et ton regard de chien battu.