T’étais comme un bout de viande trimballé de gauche à droite. Un repas pour quelques belles paires de jambes. Les princesses se frottaient aux sorcières. Les prostituées dansaient avec les nones. Tu voulais te barrer, raser les murs pour te tirer de ce piège. T’étais un rat enfermé entre quatre murs, des dizaines de chats qui te jaugeaient du regard, se léchaient les babines et t’attendaient à leurs tables. Tes deux billes pétillantes balayaient le bar, cherchant quelques âmes familières. Rien. Au son de cette maudite cloche, t’as abandonné ta partenaire qui, visiblement, n’attendait qu’un gueux à qui offrir ses cuisses. T’as glissé d’une chaise à une autre. Nouveau visage. Quinze longues minutes. « J’te le dis de suite, j’suis pas ici pour faire des rencontre ou me taper quelqu’un, si ça te démange, faudra attendre le prochain pour te soulager. » T’aurais pu la blesser. La choquer. P’tètre même l’exciter. Tu t’en fichais pas mal.

ça s'est bien passé. c'était cool. sympa et surtout nouveau. c'est pas ton mode opératoire habituel, mais pour l'instant ça porte ses fruits. est-ce que ça va continuer ? non, pas vraiment. le temps a passé et il faut laisser sa place. en voilà un autre qui arrive à vive allure. et qui n'a pas de temps à perdre. "j'te le dis de suite, j'suis pas ici pour faire des rencontre ou me taper quelqu'un, si ça te démange, faudra attendre le prochain pour te soulager." il est sérieux lui ? t'es abasourdie. tes sourcils se arquent presque immédiatement. juste avant que tu répliques. "bonjour déjà." ça commence mal. il s'est pris pour qui ? à quel moment il prétend savoir ce que tu recherches. bien sûr il a raison. tu as été prévenue. avec lui, il faudra la jouer fine. parce qu'il est évident que tu ne le laisseras pas filer comme ça. sans un échange de numéro ou une conversation intéressante. "ensuite je tiens à préciser j'ai pas la chatte en feu, donc détends toi et bois un coup. tu m'as stressé." très inhabituel ton comportement, mais tu sens que c'est comme ça qu'il faut le prendre. ne pas trop montrer que tu es là pour la saison des amours. qu'il le veuille ou non il va y passer. et il va aimer. il sera surpris. même si c'est pas pour tout de suite. ni pour ce soir. ça viendra. tu as pris contact.

T’étais lassé. Lassé de l’ambiance, du monde qui t’entourait, du brouhaha et des éclats de rire qui se perdaient. T'avais envie de te barrer, de prendre tes jambes à ton cou et quitter cet enfer. T’avais vu le diable. T’avais échangé quelques mots, quelques propos, crus, rudes, t’avais pas l’envie de côtoyer ses sbires, de flirter avec les démons qui l’encerclaient. Alors, quand t’as vu une nouvelle silhouette se dessiner, un nouveau minois se présenter, t’as mis les choses au clair. Tu t’en fichais de blesser, de choquer, t’avais pas de temps à perdre. Sa voix qui résonnait, qui te répondait sèchement. Tu t’étais trompé. Tant mieux pour toi. Tant pis pour elle. T’allais pas t’excuser. « P’tètre que toi t’attends le prince charmant, mais c’est pas l’cas de tout le monde. » T’as planté ton regard dans le sien. « Si t’es stressée tu ferais mieux de te barrer de suite, j’vais pas te prendre dans mes bras pour te calmer. » Féroce. Sauvage.

mais il est venu pour quoi lui en fait ? il a perdu un pari ? il a vu de la lumière et il est entré ? bien sûr il fallait qu'il tombe sur toi. tu ne pouvais trouver le parfait agneau à balader. non. pour toi on a choisi un bel abruti. le garçon trop sûr de lui. persuadée de connaître les femmes. d'être un expert. il s'imagine sans doute vous avoir percé à jour. que toutes les femmes sont des traînées. des catins. des monstres. ce n'est pas totalement faux. du moins te concernant, mais à quel moment il peut prétendre te connaître ? c'est surtout ça, qui t'horripile. c'est ça qui commence à faire bouillir ton sang. "p'tètre que toi t'attends le prince charmant, mais c'est pas l'cas de tout le monde. si t'es stressée tu ferais mieux de te barrer de suite, j'vais pas te prendre dans mes bras pour te calmer." cet inconscient joue avec le feu. il ne sait pas qui est assis en face de lui. mais c'est pas grave, il va apprendre. très vite. à peine il termine sa phrase que ta main vient claquer la table. ton doigt grossier le désigne ensuite et tu parles avec ta grosse voix et tes dents serrées. menaçante. "alors écoute moi bien maintenant sois tu la fermes et on discute tranquillement sois tu dégages avant que je t'en mette une, t'as compris ?" tout le monde vous regarde. les organisateurs sont désemparés. ils réalisent leur erreur. mélanger le napalm et la nitroglycérine. tous aux abris.