c'est la faute à mona qu'il se dit. c'est toujours la faute à mona de toute façon. parce que mona elle a déboulé chez lui en se la jouant reine de la piste, en prenant ses grands airs et sa paire, en lui balançant qu'y'aurait de quoi faire dans cette boîte, qu'y'aurait de tout, qu'y'aurait du queer, qu'y'aurait de quoi se murger, de quoi s'amuser. c'est la faute à mona qu'il se dit quand il enfile ses fringues, quand il se prépare et qu'il table un peu plus sur la féminité, qu'il allonge ses yeux de quoi en faire ceux d'une biche qu'aurait peur de se faire plomber. et il continue encore de se le dire dani, même quand elle entame le chemin toute sourire en lui racontant ses dernières conquêtes en parlant d'une ex du nom de camille ou marie quelque chose du genre. il l'écoute, il y répond vaguement. lui il veut juste y être. et c'est de la faute à mona qu'il se dit, dès le premier shot, second, troisième. ça s'enchaîne, ça défile à la vitesse d'une ampoule en fin de vie, ça explose d'un coup. puis il oublie que tout est de sa faute à mona. il se laisse entraîner, il cherche l'attention d'une gonzesse qui lui répond bien, puis celle d'un mec, il sourit plus que d'habitude dani. plus qu'à l'accoutumée, comme si le soleil avait décidé de se planter dans on torse et de tout faire péter. il rigole plus. parle plus. fait tout plus. en balance trop. il se laisse juste. révéler peut-être. il fait pas trop gaffe, ça se floute, ça s'effrite sous ses iris, quelques couleurs vives qui animent ses joues - sans comprendre d'où elles viennent. pis y'en a un qui arrive à le tenir, qui joue sur sa taille, qui garde le cap, qui veut le gouvernail. y se fait désirer. y se fait choper.
c'est la faute à.
la faute à lui. la faute à dani. au moment où y'a un regard qui le transperce, au moment où dans un éclat de lumière fragmenté, il reconnaît. y'a chad dans le même endroit, au même moment, sur la même planète. alors lui il sourit, sourit un peu, sourit beaucoup, ça pétille dans son regard, ça remonte comme des bulles dans une bouteille d'eau gazeuse. il lui accorde un geste de main, salutation bidonne pour témoigner de sa joie passagère, de son oubli rapide. à pas comprendre. pas à tilter. à pas percuter. même si y'a son bide qui se tord, son cou qui palpite en voulant ce même sort - et pas un autre. alors il laisse ses doigts vagabonder sur les épaules de l'autre, la tête blonde dont il a pas réussi à retenir le nom - il est même pas sûr d'avoir demandé. y termine contre le mur, dans un huis-clos aux ouvertures gigantesques. pire que ces pauvres torchés qui finissent par un black-out en ayant mal en haut et en bas. niaiserie d'être désiré, niaiserie de se faire aimer. pas par le bon. pas par la bonne. il regarde plus loin. mona elle discute avec une nana. chacun son tableau. sauf que c'est lui qu'on va abattre sur le parquet, qu'on va laisser à la merci. dani il sait que ses jambes c'est du coton, il ferme les yeux, écoute la respiration qui s'abat proche de sa face. rien à dire, plus que son corps pour faire le reste, sa taille agrippée qui gardera quelques traces rougies. dans le vague.
dans la tempête.

demain ce sera que le goût d'un souvenir. demain ce sera qu'un oubli. parce que demain dani il aura tellement la gueule dans le cirage qu'il laissera derrière lui qu'une sensation de draps froissés. demain. demain. demain il laissera. il se dira que c'était bien ou moins. il se dira ce qu'il faudra. il se dira. il se plus rien maintenant, il voit pas le mal, perçoit pas la douleur, capte pas la rancoeur qui le fait basculer de plein fouet. il a à peine le temps de papillonner des paupières que ça lui tombe sur le coin de la gueule, même pas un uppercut, juste un visage qu'il prenait pour mirage, un paysage tellement regardé qu'il lui réserve plus trop de secrets. et dani, dani il prend pas trop conscience de ce qui se dit, il analyse juste les traits qui se contorsionnent sous les basses et les violences presque douces. jusqu'à ce que ça s'abatte, qu'il lui vole un souffle chad, comme un besoin de respirer, de lui enlever tout l'air pollué de ses poumons recouvert de pétrole. ça l'affaiblit, ça le fatigue tout en le réveillant, tout en lui piquant directement au palpitant l'adrénaline d'une surdose pour allergiques. il reste contre le mur, s'y adosse, pince sa lèvre inférieure. chad ça reste sucré, ça reste une fraise croquée pour se moquer d'un été trop chaud, d'une canicule à en faire envoyer des viocs à la morgue. alors dani, dani il sourit, il entend un peu, il le voit l'envoyer bouler, son salut un peu maladroit. il se sent tenté de se frotter un oeil, jusqu'à ce qu'il se souvienne du crayon noir qu'il a laissé pour témoin de sa faiblesse versatile aux apparences bien terminées. inspiration profonde.
- bah bravo hein... il hoche la tête, garde son air bouffé par la malice, par l'amusement sans sous-entendu, de celui que les plus jeunes se donnent pour faire exploser des bombes à l'intérieur de bâtiments trop importants. alors il se gêne pas, il se gêne plus, barrière toute brisée à cause de son propre abus. ses bras s'enroulent autour de la nuque de chad, il le garde puis le serre, le ramène contre lui. réclame à son tour. sale gosse capricieux. j'ai plus de tickeeeeeeet. il roule des iris dani, il surjoue pour dédramatiser. il surjoue parce qu'il a pas eu la bonne idée de bien regarder, de regarder là où il fallait, de comprendre les différentes strates. l'est pas futé, pas assez affuté, encore moins quand il a plusieurs coups dans l'nez. il se laisse emporter, il attrape sa bouche, l'accompagne de la sienne, pression, langues qui jouent, quelques secondes. puis plus rien. ça se coupe, ça s'arrête, il récupère dani, récupère l'oxygène perdu à nouveau avant de lui coller un coup de coude dans le bras.
- fait chaud... moue décomposée, le tournis qui le guette, la chaleur qui continue de monter, de faire rosir ses joues pouponnes. hm. viens. trop, trop, trop. trop. il l'attrape par le poignet, l'entraîne un peu dans la foule, dégage, disparaît, sans se fondre, cherche la sortie. celle de derrière pour faire dans l'originalité, comme s'ils avaient pas à faire comme les autres, comme s'ils pouvaient se détacher. la température baisse, ça lui arrache une grimace, porte en métal qui claque derrière lui. pourtant, pourtant chad il veut pas le lâcher, il garde ses doigts osseux enroulés, se met à rire pour tout relâcher.
- désolé j'ai un peu - heh. tête qui tombe en arrière, soupir qui fait grimper la vapeur vers le ciel. j'ai tout raté là. je sais pas si j'dois t'en vouloir à mort. il pourrait pas, même s'il le voulait. pas pour ça. il arrive pas à l'entrevoir sous un autre angle, plus sombre peut-être, plus vicelard sans doute, plus. plus à s'en mordre les doigts. plus à s'en retourner l'estomac. plus à être touché ailleurs que dans les reins. il prend appui sur lui, reste scotché parce qu'il sait qu'il va finir par tomber - et l'emporter dans son sillage. bras retournés se nicher dans le cou de l'autre, un peu sauveur, un peu bourreau. y'a quand même une plainte qui s'exécute. c'est trop dur le français. et dani, dani il parle trop, dani il comble les vides avec de la colle même si la flotte arrive encore à percer.

il est plus marrant d'un coup chad, ça retombe, un château de cartes étalé au sol par une fenêtre trop vite ouverte. il est plus marrant, ça se voit dans son regard, dans la manière dont il balance les questions sous forme d'une genre d'accusation. lui il a du mal à le gober, à faire un bon condensé des informations. il est fatigué. il voudrait rester là, s'y nicher, s'endormir peut-être dans ses bras et râler le lendemain en ayant une migraine digne d'un blockbuster américain. il renifle un peu dani, il regarde vaguement autour de lui, s'amuse à bien planter le décor. c'est pas très joyeux. même si la boisson, elle l'aide à rendre tout plus coquet, comme un paquet de bonbons qu'on aurait ouvert avec maladresse, étalant les plaisirs sucrés à même le carrelage. et il continue de sourire, il continue parce qu'il peut pas faire autrement avec chad. il peut pas se résoudre à faire la gueule dans cet état, à tirer des conclusions ou à même être logique. il s'accroche, capte la chaleur, les muscles qui se tendent. elle fait plaisir, elle est connue, elle est aimée cette petite flammée transformée en brasier.
- j'en sais rien... j'en sais rien du touuut. il lui a pas demandé. sans doute qu'il lui a dit. ça devait être nicolas. ou peut-être pas. il se souvient qu'il lui a balancé être en erasmus. il se souvient de plus grand-chose maintenant. c'est à peine s'il a pris le temps de bien détailler sa tronche, de l'imprimer pour pas qu'elle parte d'ici quelques heures. elle dégoulinera d'une oreille, ira se percher dans les brouillards épais. tu peux l'app'ler comme tu veux du coup. ça a plus vraiment d'intérêt, ni d'importance. il a brisé la chaîne éphémère qui devait s'enrouler autour de son cou. chad a joué au con, il a gagné dans ce combat de coqs par forfait de l'autre adversaire. inspiration profonde, le froid fait du bien, il claque un peu les nerfs qui fondent, il réhausse son teint trop blanc.
- donc j'ai plus besoin de t'appeler pour que tu viennes ? c'est plutôt cool... y'a un rire qui transperce ses cordes vocales. il finit par se lover, par caler son menton sur son épaule, par profiter de ça. l'instant de grâce sans grand g. juste de quoi alimenter ses idées, de quoi apaiser, de quoi souffler sur le bobo encore pissant de sang. elle avait l'air jolie la fille. celle qui se laissait faire, celle qui pensait peut-être avoir trouvé un semblant de prince de la nuit, celle qui aurait pu s'en tirer avec un bon parti pour un coup rapide quelque part. j'ai pas les yeux en face des trouuuus... soupir. dani qui se relâche, dani qui rarement pousse le bouchon trop loin, dani qu'a décidé d'effacer quelques retords pour laisser autre chose sortir, dont il a pas vraiment le nom. mieux. pire. hmhm. serre encore, serre encore un peu, serre encore beaucoup. pas envie qu'il s'évapore, pas envie qu'il devienne du sable ou de la poussière.

ça bascule. bascule subitement. tombe momentanément sans se faire attendre. sans avoir eu droit à une prévention en amont. ça tombe tellement rapidement que dani prend deux secondes pour comprendre comment ça a pu passer de l'un à l'autre, de a à b sans réelle transition si ce n'est les quelques caresses dans le creux du cou, appuyés par une respiration brûlante à en garder quelques cloques douloureuses. y retourne contre le mur, reste le dos plus ou moins droit contre la froideur du béton, laisse ses bras tomber le long de son corps. il est pas sûr que ça lui plaît tout ça, la tournure que ça prend. il est pas sûr de bien comprendre aussi. trop occupé à se marrer, trop occupé à vouloir ramasser les quelques morceaux de comètes perdus sur le sol. trop occupé à regarder en haut. pas assez en bas, quand le plus mauvais s'accumule, quand ça s'amoncèle. et quelque part, ça lui fait un peu mal, assez pour qu'il perde son rictus, pour que ça s'efface lentement, les restes d'une pluie sur une fenêtre dégueulassée par du sable.
- putaaaain... se perd en sa langue natale. incapacité de bien se gérer, d'avoir le contrôle sur la situation. il passe une main malhabile sur son propre visage, se frotte le front avant de fermer les yeux. récupérer un peu d'équilibre. être sur cette onde qu'il instaure, le sérieux lui déplaît, le sérieux qui devrait pas être entre eux deux. c'était un accord, un genre de pacte sous silence. tu m'fais quoi là. il racle le fond de sa gorge, sent encore le goût de la vodka qui lui remonte. il secoue sa tête, donne un petit coup de pied à ses propres faiblesses physiques pour pas se donner en spectacle. inspire.
expire.
inspire.
expire.
il joint ses paluches derrière son dos, les appuie, sa tête bascule en arrière. mais il garde son calme dani, comme incapable du moindre excès, du moindre écart qui pourrait lui coûter une explosion trop voyante de sa propre barque émotionnelle. l'est pas doué avec ça. l'est pas bon pour ça.
- je sais pas, j'sais plus. je me souviens même plus de sa tête là. la sensation de se faire fliquer qui lui attrape la jugulaire et le fait saigner. il le regarde droit dans les yeux dani, parce que fuir c'est pas dans ses cordes et que de toute manière, il irait pas bien loin. j'pensais être dans le mal. il laisse une autre mine déformer ses traits, plus soucieuse, plus inquiète, plus dépitée. pas déçue. juste paumée. mais toi t'as vraiment pas l'air bien. il touche pas. un animal blessé ça se laisse pas frôler, surtout quand on menace de l'abattre sans laisser de traces pour mieux le bouffer. alors dani, dani pour une fois il reste sur la réserve.
- tire pas cette tête. t'es mieux quand tu souris.
là, juste là, celle qui fait tomber le rideau, celle qu'a pas été demandée, celle qui vient malgré lui. celle qui noie les rayons du soleil dans un trou noir.

il s'y attend pas. d'un coup chad descend d'un étage, se rétame sans trop le faire juste à l'étage en-dessous. il fronce les sourcils. il est pas bien, pas dans un état qui cautionne la bêtise ou l'insouciance. alors dani il inspire à nouveau profondément, il se concentre sur ce qu'il a en face de lui, un morceau de vide qu'il trouve fascinant à dessiner sans trop le faire. il mordille sa lèvre inférieure, laisse passer un sourire - avec chad ça dure jamais trop longtemps, ça revient à l'assaut comme un orage, un coup de tonnerre qui pourfend les nuages. la tête du roi est tombée, elle a roulé jusqu'aux pompes d'un badaud qui la brandit avec fierté, mort à la bourgeoisie, mort à ces grandes figures qui s'en sortent grâce à la peur. à son tour, y se laisse glisser, tomber avec nonchalance. il forme ses jambes en tailleurs, fait craquer doucement ses épaules pour éveiller un peux mieux ses sens trop endormis. il est celui qui doit prendre un rôle qui lui plaît pas ce soir, celui qui tente de garder la tête hors de l'eau, qu'empêche la noyade pour l'autre. alors il secoue la tête dani, il joue avec ses doigts entre eux, regarde la farandole de bagues qui capture les lumières alentours.
- une amie ouais. mais je crois qu'elle est trop occupée à se fouler le poignet. il appuie son propos d'un petit ricanement, poussant le sous-entendu à son paroxysme. de toute façon, mona elle l'avait dit que rien n'était sûr, que peut-être ou peut-être pas. ce sera pas ce soir. il laisse partir sa main jusqu'au genou de l'amant régulier, de l'amant pas vraiment à jamais mais maintenant. il caresse, remonte jusqu'à la cuisse. il essaie de faire présence, de capter les battements irréguliers, de les enfermer dans une cage pour qu'ils puissent arrêter de trop siffler - la liberté, c'est pas toujours la solution, la liberté c'est parfois un manque des proportions, un manque des réalités. je vais pas te laisser hein. tourne la caboche pour le regarder. il est beau chad, même quand la nuit vient tout gâcher, même quand tout s'est décidé à le faire paraître plus tragique, plus dramatique, plus rachitique et rongé par quelques canines intelligemment plantées.
- j'suis là. il serre un peu l'emprise sur le jean, penche sa tête sur le côté, essaie d'être rassurant, dani. et ce malgré le maquillage qu'a un peu coulé sur ses pommettes. et je pense que la meilleure idée ce s'rait que tu rentres avec moi. ou l'inverse. moi je vais pas faire deux mètres et toi... non plus. il sent le froid qui se glisse sous son tee-shirt. c'était pas le bon plan de se la jouer grand conquérant des températures critiques.
- que ça t'aille ou non d'ailleurs, je t'ai pas demandé ton avis là-d'ssus. pour pas le retrouver écrasé ou dans une bagarre qui lui aura coûté un peu plus qu'une côte brisée. il arrive quand même à partir dans de sales scénarios, dani. ça le rend sans doute un peu triste, lui qui dégueulerait de la joie par tous les pores s'il avait pu. lucide - s'oblige à l'être.
- mais avant j'ai besoin de... sentir le lourd de mon corps. pas bouger. regretter, se dire qu'il arrêtera de boire. il joint à sa parole un sourire un peu plus grand. ça ira. ça ira. ça ira un peu mieux. il dort trop.

le silence c'est bien aussi. le silence c'est pas que conceptuel. même si derrière ça tremble tellement fort que ça pourrait lui mettre les vertèbres en vrac. le silence c'est bien. c'est bien quand il s'étale et qu'y'a plus grand-chose à dire, que seul le corps se met à papoter avec un autre, pas grand-chose, juste assez pour que ça se discerne. et dani sans doute qu'il pourrait dormir, ou gerber ses tripes avec une telle violence qu'il en tomberait dans les pommes. il déglutit, ravale cette envie soudaine de se débarrasser de son propre démon. inspiration profonde, il serre ce qu'on lui donne à serrer ; la main de chad qui se glisse, qui se fraie un chemin. et ça le fait sourire un peu, encore assez, bien que sur ses gardes. l'alcool mauvais c'est tout de suite moins charmant, c'est peu parlant, ça coule de source qu'il faut se tailler les jambes bien en avant. mais il reste dani, il peut pas le laisser, il peut pas se résoudre à se dire qu'il a été de ceux qui s'en tirent en laissant les autres dans la boue. il l'écoute d'une oreille, ramène sa main contre sa bouche et y dépose un baiser sur le dos. le bout de nez vient frôler la peau, son front s'y crèche quelques secondes alors qu'il fronce les sourcils. mieux. tellement mieux qu'il dit. tellement mieux. ça lui file un vague frisson - la faute au vent en partie - ça fait chauffer ses joues inconsciemment. à quel moment ça a changé. à quel moment son regard il a changé.
ça l'perturbe,
ça lui file le vertige.
il est plus au sol là dani, il doit être tout en haut d'un building à se demander quand est-ce qu'il va sauter, à s'imaginer comment va être la chute, s'il va effectivement revoir toute sa chienne de vie passer sous ses yeux.
- t'inquiètes, je suis pas en sucre déjà. il laisse retomber les mains contre sa jambe, caresse du pouce en gardant son rictus. puis ça va, t'as rien fait. j'ai été élevé à la dure, c'est pas toi qui va m'faire peur. il songe à doly quelques secondes, se rappelle les premières disputes qu'ont terminé par des bleus, des cheveux tirés, des coups de pieds, des coups de mains. fallait les enfermer dans deux pièces différentes pour les empêcher de s'entredévorer. des goules, incapables de se satisfaire d'autrui. besoin de s'attaquer. même si dans le fond, doly, c'était un peu trop d'admiration. ses doigts libres se mettent à fouiller la poche de son pantalon, il y ressort un paquet de clopes écrasé. il l'ouvre quand même par espoir. rien. forcément. soupir.
- j'savais pas que t'avais l'alcool mauvais. épaules qui se haussent, il déploie un petit gloussement visant à adoucir les angles. personne est parfait. même pas toi, aaaah c'est trop con. il courbe l'échine dani, il sent que ça tape dans son estomac et que ça veut sortir, façon alien qui lui dévorerait les entrailles. il ferme les yeux fortement, enfant priant qu'on lui ramène sous le sapin un cadeau brillant et scintillant.
- t'as plus besoin d'app'ler t'sais. tu viens puis c'est tout, trois nuits d'affilées si tu veux, une semaine, j'ai rien contre. si j'te supportais pas au point de te voir qu'une fois dans l'année, ça s'saurait. il parle pour se gérer, pour capter la douleur à la racine et la faire taire. il regrette de pas avoir assez bouffé, d'avoir joué à l'adolescent en pleine découverte des affres de la décadence. je crois que... j'vais gerber.
ouais c'est vrai,
dani, il est toujours cuit.

dani il a le chic de tout foutre en l'air, de casser une ambiance en deux temps trois mouvements. que ce soit pour comprendre ou parce qu'il a pas eu le temps d'assimiler, y'a toujours un moment avec un grand m qui couac complet. c'est pas voulu, c'est pas souvent désiré. c'est pas fait exprès. pourtant ça ouvre une nouvelle porte qu'il voulait pas forcément. et là tout de suite, c'est son estomac plein de flotte qui supporte pas toute sa connerie. alors forcément, forcément ça sort par là où c'est rentré, ça se liquéfie contre ses lèvres et tombe au sol dans une infâme symphonie. il se serait bien gardé de se donner en scène comme ça, surtout devant lui. honteux et pitoyable entre autre. y bouffe pas assez de toute façon dani, alors à trop vouloir invoquer la dame blanche devant son miroir souillé par le sang, il se la farcit à un moment ou à un autre. il ose pas le regarder, trop occupé à se cramer la gorge, irritée au possible. y'a que de l'eau et de la bile, y'a qu'une surface invisible inodore, incolore, vide de toute incarnation. il récupère de l'air, chiale à moitié à cause de la révulsion débarquée - il a eu du bol, personne a été touché, ni l'un ni l'autre, le temps de tourner la tête, d'avoir un réflexe ô combien salvateur. lui qu'a toujours essayé d'avoir une image lisse, ça se foire, ça s'effondre et ça le gêne, ça lui serre les muscles, ça les échauffe et les refroidit à la fois. il mate le sol, cligne plusieurs fois des paupières pour rendre un semblant de netteté à sa vision.
- désolé... ça craint. sa voix est brouillée, cassée tant à cause de la cigarette que du spasme surprise. il garde sa main contre sa bouche, fait remonter ses yeux le long des jambes de chad, son torse, son cou, son visage. quelques larmes se permettent de couler, factices, entraînent au passage une nuée noire, lui donnant l'air d'un camé qu'aurait vendu son cul pour la charité. putain ça décape. il hoche mollement la tête, reprend une profonde inspiration. ça fait un mal de chien en plus. son dos se met un peu à trembler, se fige après s'être lâché de toute la pression évacuée. bien fait quelque part. bien fait. bien fait. bien fait pour connaître les limites et vouloir les caillasser encore. il sourit derrière sa main tatouée.
- on doit avoir l'air très cons. ses joues sont encore carmines, reflètent un afflux de sang trop conséquent. la gêne, sans doute. le malaise, peut-être. la flatterie, un chouia. n'empêche que chad, chad il a récupéré de ce qui s'était un peu perdu en chemin. de ce qui fait que. il continue. sans vouloir stopper. sans vouloir sauter du train en marche. ce qui fait que parfois, ça dépasse l'entendement, le bon sens et la logique établie. faut qu'on rentre. p'tête un nous qui se pointe, p'tête un nous qui pourrait englober une surface entière. p'tête un nous qui pousse pas trop à rire. ça caille en plus. et que ça commence le bras dessus bras-dessous. technique ultime pour pas que l'un s'écroule plus que l'autre, pour s'aider à marcher sans trop de difficultés. même si dani il sent que ça redescend un peu, ça redevient plus sérieux - la carcasse elle, elle se traîne complètement en retard sur son temps.
mais ils sont, debout.
- j'crois que... je vais prendre ma journée. ou dire que j'ai attrapé la peste. pour mieux se faire réveiller par le matin ambulant, pour flâner, pour rien faire de mieux que les naïfs d'une génération bonne à s'faire fumer.

ri
di
cu
le.
c'est ridicule et ça l'amuse. c'est ridicule et il a pas la force de s'énerver ou d'accuser quelconque circonstance qui aurait fait que ça vire un peu au drame et moins au plaisir d'autres chairs. c'est ridicule et dani il continue de sourire, jusqu'à se marrer dans son coin, pendant qu'il porte chad, pendant qu'il garde sur ses épaules toute la misère d'un homme. il rigole parce qu'il a pas d'autre manière de se protéger, il rigole parce qu'il le fait pas assez quand il est sobre. il rigole et bordel que ça fait du bien. du bien de tout claquer, de prendre le problème sous un autre angle et le trouver plus digne d'un chaplin que d'un hitchcock. il suppose que d'ici deux minutes ils vont se latter la gueule contre les pavés et ce sera encore pire, de quoi le fait mourir sur le coup.
- la grosse blague. il ravale sa salive et sa malice. il pourrait encore en pleurer s'il était pas aussi vide de toute bonne introspection. il avant d'un pas, embarque son compagnon de galère dans la foulée, fouille dans l'autre poche de son jean, y sort son portable bien enfoncé. il est que deux heures du matin. si tu t'moque, je te tue.
y tape le numéro sur l'écran, il attend, ça décroche à l'autre bout. et dani, dani il essaie de ranger ses idées dans sa pauvre caboche, y donner un ordre pour que ce soit pas trop brouillon. y'a certains points où il trime plus que d'autres. il cherche du regard la rue, avance un peu sans laisser le choix à chad. son blabla c'est plus du balbutiement, le mec a pas besoin d'un dessin pour comprendre qu'il sauvera une vie ou deux ce soir. une dizaine de minutes à tout casser.
- (...) ouais, ouais. (...) merciii. un point de plus pour la bonne action, il range son bordel tant bien que mal. paradoxalement il arrive à tenir le mieux, il se sent même capable de se frotter à un marathon - mais ça, c'est autre chose qui parle. il jette une dernière oeillade à la porte, tire une grimace. se tait. se tait tout simplement en cherchant la sortie de la ruelle, mieux pour que le taxi puisse les récupérer. toute son énergie il la fait passer dans ses dernières ressources.
puisqu'il a dit qu'il était là,
qu'il bougerait pas.
qu'il resterait, là.
- on a dix minutes à tuer, alors... il penche sa tête sur le côté dani, fronce les sourcils, table dans une curiosité dissimulée. celle qu'il osait pas faire ressortir, celle qu'il pouvait pas dompter sans se faire croquer. le québec, lyon, ça fait loin. un temps. petit reniflement. pourquoi t'es v'nu ici ? une dérive de la confession sur l'oreiller. confession sur trottoir qui pourrait se solder par un silence de plomb. pis si ça se trouve, dani,
l'aura plus qu'un trou noir dans la tête demain.

elle est plutôt belle la nuit, même si elle est brouillée par sa vision fermée. elle est plutôt belle la nuit, quand il se concentre bien, qu'il plisse les yeux et qu'il se fixe sur une étoile qui s'éteint. elle est plutôt belle, et il regrette pas de laisser mona derrière lui. spectacle de pas grand-chose, spectacle de rien qui se perdra d'ici demain, d'ici deux jours tout au plus. mais là, il y accorde de l'importance, parce que c'est son perchoir, là où la corde descend pour le faire tenir debout. alors il écoute dani, des deux oreilles pour pas laisser l'abus tout gâcher dans un excès de connerie. c'est plus l'heure de se fendre la gueule jusqu'à en avoir une extinction. c'est l'instant qui détermine une petite parcelle qui s'est décrochée du vitrail, ça aide à mieux comprendre le dessin, ses contours et pourquoi comme ça et pas autrement. inspiration profonde à nouveau, il baisse son attention sur la route, croise quelques parechocs décolorés conduits par il sait pas trop qui. oiseau de nuit. il mordille sa lèvre inférieure, menace de s'arracher un peu de peau, s'arrête quand il lui retourne la question.
d'un côté y'a celui qu'a pas eu de bol,
de l'autre celui qu'a forcé la chance.
un peu contradictoire, un peu foutoir, mais ça suffit. père tiré, père mort, père abandonné, quelque chose dans ce registre bon à faire pleurer. mère surmenée, mère emmenée, mère fuyarde qu'a plaqué ses clefs pour un avenir meilleur pour son fils. respectable. admirable.
- je voulais partir, dans tous les cas. pas à l'aise, besoin d'horizons, désir de trouver une nouvelle corde pour son arc trop vieillot. c'est pas qu'il aimait pas dani, c'est qu'il avait pas assez. c'est à cause de ma soeur que j'suis ici. enfin un peu. elle étudie ici, à lyon. alors, pourquoi pas. doly qui restera, doly qui gardera, doly qui le marquera de son fer rouge. pour un peu de fierté, pour une envie d'emmerder infime qui prend le pas sur à peu près tout. il déglutit, pousse un vague soupir, hausse les épaules. il le zieute, chad, chad un peu foutu en l'air, qui ramasse les morceaux et les brise en plus petits encore. elle est jolie, sa bouche. fine comme deux bouts de papier, aussi acide qu'un bonbon au citron. je sais pas trop combien de temps je vais rester ici. sourire tendre qui s'affiche, sa main continue de serrer l'épaule de sa malédiction sur deux jambes.
- c'est surtout la bouffe qui me manque. rire discret qui transperce, nostalgie soudaine qui alourdit son coeur. j'suis carrément pas d'accord pour dire que vous êtes les meilleurs de la gastronomie. clin d'oeil maladroit pour tourner son propos au ridicule, son dos subit un vague spasme. ça remonte à nouveau. il coince le désir soudain de se remettre à vomir. travail de respiration, vision brumeuse. ses muscles se relâchent un peu, la tension descend, coup de fatigue.
- j'pourrais dormir... cent ans je crois.

ça passe partout, ça passe ici, un peu nulle part aussi. c'est un manège qui pourrait le rendre malade à la sortie. cette soirée c'est comme un feu d'artifices qui vient d'éclater, impressionnant au départ, lassant par la suite, même un peu triste, mélancolique, nostalgique. tentative de reprendre les rênes d'un hypothétique bonheur éphémère, ça se solde par un échec, par des questions dans le silence qui viennent le bafouer, lui cracher à la gueule. pis ça vrille sur le passé, ça vrille sur ce qui était avant d'être véritablement. sur ce qui a fait que. il laisse glisser un rictus, pas forcément sincère, pas forcément au point d'être contagieux. soupir.
- doly. précision d'une jumelle qui en vaut pas la chandelle, ni l'utilité. y se demande durant une seconde ce qu'elle peut bien foutre avant de zapper, passant de cette chaîne à une autre, incapable de ranger son propre foutoir. dani qui fuit, dani qui regarde pas en face, dani qui oublie de se retourner quand on lui hurle après. d'un coup ça se met à battre, d'un coup ça se met à débattre entre la caboche et ce que les autres appellent le coeur. lui il préfère le nommer le cancer de tout homme. lui il préfère dire que c'est ce qui pousse à l'échec, aux plus grandes choses aussi. y se dit que de chad il en sait pas assez, qu'il en veut plus, mais que ça l'appelle, que ça revient frapper contre sa cage d'os, doigts qui glissent sur sa mâchoire, se ferment sur le menton. puis sa bouche,
ce baiser à la commissure de la sienne,
qui s'attrape au vol, sans filet, se prend entre les mains, puis se relâche. murmure d'ivresse naïve.
- tu sais pas ? alors pars avec moi. oeillade qui pétille, qui s'éteint, ampoule grillée qu'a du mal à bien illuminer le coin sombre de la rue. l'effroi, l'angoisse qu'il se taille, qu'il devienne,
un vide,
un néant,
un rien. qu'il disparaisse, qu'il s'affaisse, qu'il l'oublie, qu'ils s'oublient. bouche à moitié ouverte, mots qui se coincent, mots complexes à trouver. perte de la langue soudaine. la bagnole qui arrive, le conducteur qui invite à rentrer, l'autre qui siffle la route à suivre. l'silence comme accompagnatrice d'une gêne, d'une fin de partie. ses doigts osseux qui restent enroulés autour du poignet de l'amant - quelques instants où ça se dévisage, où ça comate à moitié. la descente, le paiement.
la montée jusqu'à l'appartement en moyennant quelques bleus pour le lendemain. la porte qui se referme, la seconde, l'étreinte, les fringues qui tombent. l'arrêt sur image. la chute sur le matelas, rien de plus que le vent qui tape dehors, que les grésillements dans les tympans.
l'étreinte,
l'étreindre,
s'éteindre,
avec la tête qui bascule, le mal de terre, le mal de mer, le mal de tout. d'eux. d'nous.