toi tu viens de cannes. tu viens du soleil, de la mer. tu viens de la côte, comme ces touristes disent. tous ces enculés de touristes. non, t'as pas trop l'accent qui chante. parfois, il ressort un peu, mais personne pourrait croire que t'es un de ces sudistes qui s'égosillent dans la rue pour un rien, qui parle avec les mains comme un italien. tu le caches bien, tout ça. on pourrait presque te prendre pour un parisien. t'y as vécu pour tes études, mine de rien. oh, t'as pas aimé. t'as détesté. tu comprends pas l'intérêt de vivre dans un truc aussi moche et gris, l'intérêt d'habiter un placard, l'intérêt de manger des cailloux. sauf que tu t'es habitué à vivre dans une ville aussi vivante, tu ne sais plus comment faire pour vivre un hiver mort. un hiver dénué d'humains, à être entouré de retraités. du coup à peine arrivé, t'es reparti. t'as choisi lyon. et à présent, tu y es plutôt à l'aise. mais vivre seul, t'as jamais trop aimé. alors te voilà, dans l'immeuble n°3, appartement 43.
tu as ta clé dans la main, ton téléphone dans l'autre. l'adresse a l'air correcte, alors tu tentes de taper le code qui s'affiche sur ton téléphone, dans l'application "notes". un léger vibrement de la porte t'indique que c'est le bon immeuble. tu rentres, puis tu pénètres dans l'ascenseur pour choisir l'étage correspondant. cet immeuble ne paye pas de mine, mais au moins, il y a un ascenseur. quatrième étage. tu appuies sur le bouton qui affiche un "4", le regarde s'éclairer, puis pose ton regard sur le jeune homme en face de toi. tu aimes te regarder dans un miroir. coup de chance, il y en a un dans cet ascenseur, tu pourras te faire plaisir. tu ne trouves pas particulièrement beau, tu as le visage un peu asymétrique. mais tu sais que tu plais, tu sais comment jouer de tes charmes, tu sais t'habiller. tu sais prendre soin de toi. et tu en profites. ta chemise blanche était impeccablement repassée, ce matin. mais tu as chargé la voiture de location, tu as transpiré. elle s'est agglutinée sur ton dos tel un enfant dont on ne sait se débarrasser. tu portes ton regard à tes pieds. tu as tout laissé dans ta voiture, excepté le sac de courses que tu as fait plus tôt, et une valise. il n'y a pas grand chose dans ce sac de courses. de quoi manger ce soir, des pâtes, de la crème fraîche, du formage râpé. quelques bières, une bonne bouteille de rosé. du côtes de provence. ton préféré.
la porte de l'appartement est là. tu la pousses, pour tomber sur un couloir. tu ne sais si tes colocataires sont encore arrivés, mais tu rentres, à la recherche de la cuisine. quelques pas, un coup d'oeil à droite, un autre à gauche, et c'est trouvé. elle était sous ton nez. tu y ranges tes courses, puis commences ta visite. la première chambre est immense. un lit double, très bon point. une petite salle de bain perso. tu te vois déjà prendre une douche avec une jolie fille trouvée en boîte. tu décides de ne pas aller plus loin, de poser ta valise ici. en avançant un peu plus, tu découvres le salon. à priori, ta chambre n'a de murs commun avec aucun de tes colocs. parfait, te dis-tu. tu ne te soucieras pas du bruit, et dans le pire des cas, ce sera l'occasion de découvrir tes voisins. avec un peu de chance, ce n'est pas des vieux retraités comme il avait à l'époque de ses études à paris. tu continues ta visite en regardant les autres chambres. en ouvrant la dernière porte, celle de la chambre contre la cuisine, tu tombes sur une jeune fille. elle est sur son téléphone, et a un style plutôt particulier. elle a l'air cool, du coup tu te dis qu'il va falloir engager la conversation. tôt ou tard, il faut bien.
"bonjour ! je suis valentin, je viens d'arriver dans l'appart. tu es arrivée il y a longtemps ?"