fin de la journée. mouvementée. de retour à l'appartement, tu le retrouves vides. tu rêvais de courir te nicher dans ses bras mais ce n'est qu'un silence qui t'accueilles. tu fais le tour du lieu, mais ses affaires ont disparu. prise de panique, tu sors ton téléphone pour taper de tes doigts tremblants quelques mots pleins d'interrogations.
je suis rentrée, t'es où ?
la réponse tarde à venir pendant que tu fais les cents pas.

foutre le camp, comme d'habitude, la meilleure chose qu'il sache faire, alban. parce que, ça faisait trop de choses à gérer, trop d'angoisse, trop de pression depuis que tout part en vrille dans sa tête, depuis qu'israa est partie. mais, mauvais timing, et il s'en rend bien compte quand il reçoit le message de lou. y'a la culpabilité qui monte, forcément.
il tarde un peu à répondre. parce qu'il sait pas exactement quels mots choisir.

je viens d'arriver chez mes parents

son refuge. parce qu'il sait qu'il peut compter sur eux, sur sa sœur, qu'ils se soutiennent tout le temps, et ça continuera comme ça.

je pense que je vais y passer quelques jours ou plus je sais pas

il sait pas trop comment elle va réagir, il y a pas pensé, parce qu'il est parti sur un coup de tête, parce qu'il ne pouvait décemment pas rester sur lyon, et encore moins seul dans son appart.

tu poses tes fesses dans le canapé lorsque ton téléphone vibre et ton coeur manque un battement. c'est lui.
tu comprends pas. t'as envie d'aller le chercher, de le ramener ici, avec toi, qu'il s'explique, en face. qu'est-ce qu'il fout là bas ? pourquoi ne t'a-t-il pas prévenu ? pourquoi ne t'a-t-il pas attendu ? pourquoi ne t'a-t-il pas dit au revoir ? était-ce une erreur ? encore un mensonge ? encore une trahison ? beaucoup trop d'interrogations.
pourquoi ? ça va pas ?
formulée plus simplement ; parce que le cerveau d'un mec tourne moins vite, parce qu'il sature plus vite. tu le préserves un peu. en attendant la tempête.

il sait pas trop quoi lui répondre, à lou. il attend quelques secondes, quelques minutes. évidemment que non, ça va pas, mais alban c'est typiquement le genre de mec qui préfère garder ça pour lui, jusqu'à ce que ça remonte un peu trop et que tout sorte, comme ça, quand il aura un peu picolé, parce que, y'a plus d'filtre dans ce cas-là et qu'il se retrouve à être ce petit con bien trop émotif.
tout roule, et toi? ton père?
il sait pas trop pourquoi y'a cette boule au ventre quand il envoie le message, nature trop anxieuse peut-être. il essaie d'taire la voix en lui, celle qui lui raconte que partir comme ça, c'est pas très réglo. il attend la suite.

mais qu'est ce qu'il fout là ? que se passe-t-il ? sur quelle planète lointaine as-tu atterri pour que vous n'arriviez pas à vous dire les choses simplement, telles qu'elles sont ? pourquoi tourner autour du pot, faire semblant ? pourquoi essayer de se cacher, sauver les apparences, mais se blesser en mentant ? c'est ta fierté qui te guide parce que tu n'as pas envie de faire le premier pas, de te dévoiler la première, tentative de protection :
ça ira.
mais putain, c'est bien trop con, d'être incapable de communiquer alors que vous êtes doués de la parole, les mots vous savez les maniés, alors pourquoi ils ne sortent pas ces cons ? pourquoi ils ne veulent pas se mettre dans le bon ordre et se barrer histoire de tout arranger ?
pourquoi t'es parti alban ? pourquoi tu m'as pas attendue ? pour me prévenir, me dire au revoir, c'est la moindre des choses non ?
ça y est, c'est sorti, la flèche est lancée, touchera-t-elle sa cible ? arrangera ou aggravera ?

ça ira, elle dit. il se demande si ça ira vraiment, ou si elle dit ça par politesse ou un truc comme ça. alors forcément, il prend du temps, encore, comme si c'était normal de réfléchir dix minutes avant de répondre à sa copine. et y'a le deuxième message de lou, le message qui fait qu'il se sent encore plus con qu'il ne l'est vraiment. il est partagé alban, parce qu'il aimerait qu'elle se place là, quelques secondes, dans sa tête, qu'elle comprenne son état d'esprit. il ose même trouver ça con, qu'elle comprenne pas pourquoi il a pu partir, qu'elle n'ait pas une petite idée, comme ça, comme israa. mais il est conscient qu'en soit, ses reproches so r tout à fait valables. parce qu'il aurait du la orévenir, parce qu'agir sur un coup de tête c'est bien quand t'es célibataire. faut croire qu'il lui faut subir quelques échecs, qu'il s'adapte et soit un type bien, comme elle mérite, lou.
la réponse reste difficile, parce que ça demande un temps de réflexion, partagée entre l'envie de ne pas froisser sa jolie lou, et celle de se faire comprendre, un petit peu.
alors, sans trop en dire sans trop en faire, il décide de sortir la carte de l'honnêteté.
je suis désolé. j'avais besoin de partir, coup de tête quoi.
premier message envoyé. l'insatisfaction qui règne. putain même gérer sa copine par message, il est pas apte. mais je reviens demain si tu veux
il tente de se corriger sait-on jamais.

t'essaies de te raisonner un peu, de faire redescendre d'un cran la pression qui s'installait et montait. il n'y a pas de raison de s'énerver, que tu te répètes, en boucle, comptant les minutes qui s'écoulent d'une lenteur exaspérante entre l'envoi de ton message et la réponse qui n'arrive pas. ça y est, il a pris la première porte de sortie et s'est échappé, il a fuit, pourquoi ça t'étonnes, c'est sa seconde nature. mais le téléphone sonne. tu comprends pas. c'est pas assez explicite comme message. seconde sonnerie. toujours pas d'explications, mais il propose de revenir plus tôt. à quoi bon ? tu te résignes. cette fille dépendante au contenu d'un message, de quelques mots, c'est pas toi, ça ne te ressemble pas, ça ne te plait pas. vaut mieux qu'il reste là où il est le temps que tu te ressaisisses de ton côté également.
non t'inquiètes, j'ai des trucs à faire de toute façon.
mensonges.