Lion en cage, tu tournais en rond. T’observais le géant qui se dressait devant toi. Il t’appelait. Tu résistais. Un petit bout de mort entre tes lèvres, t’ignorais sa présence. Quelques lattes. Tu pouvais sentir la fumée se nicher au creux de tes poumons, elle en prenait possession, elle avait le droit. Combien de fois t’as pu poser tes yeux sur ces quelques pierres entassées. Combien de fois t’étais passé non loin de lui en soupirant. C’était pas pour toi, c’était pas ta vie, ton choix, et pourtant, tu te retrouvais là, à ses pieds, rampant comme un chien galeux. Des trous dans les poches, ton estomac qui se digérait un peu plus chaque jour, t’avais pris la décision de bouger, de quitter ton doux foyer pour partager un peu de ton espace, de ton existence. T’avais l’habitude. La vie en communauté, tu connaissais. Entassés à trois, cinq, dix, tu savais ce que c’était de se marcher dessus, de toujours se sacrifier pour autrui, de faire passer les autres avant. C’était bien différent, ici, tu le savais, et pourtant, tu pouvais sentir une certaine amertume naître au creux de ta gorge. Ton mégot à tes pieds comme une vieille maîtresse délaissée, t’as attrapé la poignée de cette porte qui te narguait depuis plusieurs minutes maintenant. Quelques pas de plus. Comme méfiant, presque apeuré, tes yeux se posaient tout autour de toi analysant chaque détail, chaque centimètre de ce nouvel immeuble. Une cage d’escalier. Un ascenseur. La facilité l’emporte toujours. Tes semelles claquaient contre le sol dans un résonnement presque insupportable. T’aimais pas ça. Ton corps qui s’engouffrait dans ce monstre de fer, ton doigt qui hésitait, qui glissait d’un chiffre à l’autre, et ton esprit qui essayait de se souvenir. Merde. Ton instinct qui te guidait, les portes qui se refermaient. T’as pris une grande inspiration, comme si derrière ces plaques de métal t’attendaient l’enfer et les démons qui le peuplent. T’avais tendance à tout exagérer, c’était pas si terrible, au fond. Arrêt du monstre. Arrêt cardiaque. T’as retenu ton souffle, quelques secondes, le couloir qui se dessinait, vide. T’as avancé prudemment, observant attentivement chaque chiffre qui défilait. Vingt. Vingt-et-un. T’as posé tes yeux sur la petite clé nichée au creux de ta main. Silence. Le passe qui se glissait dans la serrure, et, finalement, ton nouveau foyer qui t’ouvrait ses bras. Hésitation. Ta tête qui se tournait vers ton unique porte de sortie, qui, au même instant, vomissait une nouvelle âme.